Evrard a laissé de nouveaux messages depuis le téléphone satellite que je retranscris le plus fidèlement ici. L’accent est toujours aussi tonique mais il a la voix de celui qui sort d’une bonne crève, elle a perdu de sa puissance, proche de l’extinction. Les climatisations de l’avion puis de l’hôtel associées à la chaleur épouvantable à l’extérieur à eu raison d’eux, Jean-Michel est dans le même état…
Evrard nous donne plus de détails sur la première partie de leur périple. Ils sont partis de Kendari samedi matin et on pris la route, une très jolie route en bord de mer principalement, longeant de belles plages et des mangroves. Ils sont arrivés à un village (Asera) au bord sud est du massif de Matarombeo, village situé à la jonction des deux rivières qui entourent le massif, la rivière Lindu au nord-est et la rivière Solo au sud ouest. Ces deux cours d’eau coulent parallèlement puis se rejoignent à Asera.
« Depuis cet endroit nous avons cherché un contact, quelqu’un qui puisse nous guider, car notre petit Edouin, notre local avec qui on travaille et qui est le traducteur, ne connait pas du tout le coin, il est de Java. On a finalement trouvé un petit gars mais un peu tard, nous sommes partis juste à la limite de la nuit (comme d’habitude, une bonne sortie avec Evrard se passe toujours un peu de nuit, si ce n’est pas par un lever de bonne heure, c’est au moins avec une fin tardive, ndlr), et nous avons commencé à remonter la route qui devait nous mener côté Lindu, très très belle rivière, soit du côté nord est du massif.
Nous nous sommes arrêtés un peu plus tard dans un micro village, à peine 5 ou 6 maisons, même pas de très grandes familles dedans, juste 1 ou 2 enfants, 3 au grand maximum, pour dire qu’il n’y a pas foule ! Nous avons déjà vu des trucs pas top, notamment de grandes étendues de culture de palmiers pour l’extraction d’huile de palme. Nous avons dormi là.
Le lendemain nous sommes partis assez tôt et nous avons appris en discutant avec les locaux qu’on ne pouvait pas aller beaucoup plus loin car il faut un permis pour accéder à la vallée qui nous intéresse, la vallée de Matarombéo (du nom de la rivière qui y coule). Nous avons demandé pourquoi car rien dans nos recherches et dans les informations collectées avant notre départ auprès de ceux qui étaient déjà venus aux abords du massif ne le laissait entendre… La raison : une compagnie d’extraction d’huile de palme s’est installée dans la région depuis 2006 et a une concession, elle est donc propriétaire de toute la région et ils exige un permis pour y accéder. L’accès aux voitures étrangères à la compagnie est interdit.
Nous avons donc été obligés de nous arrêter au pont, si on peut dire, au franchissement de la Lindu dans le petit village de Mataraki. Quand je dis petit village, c’est même complètement inexistant, juste 2 cases au bord de la Lindu… Pour la traverser, nous avons pris une sorte de petit bac, simple radeau flottant sur lequel il y a une petite baraque. Cette embarcation est accrochée à un câble qui traverse la Lindu, et pour aller sur l’autre rive, tu montes avec ta voiture dessus, et tu tires à la main sur le câble, tu peux laisser faire le micro moteur, c’est long mais clairement moins dur…
Une fois sur ce radeau, nous avons discuté avec des locaux qui nous ont donné de précieuses informations sur les alentours. En autre, un gars qui nous a dit que pas très loin d’ici, une rivière disparaît complètement dans un trou. Très étonnant puisque nous avons passé beaucoup de temps sur les les cartes avant notre départ avec Jean-Michel, et que nulle part, ni sur les cartes topo, ni sur Google Earth, nous avions noté cette perte de rivière, nous étions plutôt circonspects. Mais bon, cette information était tout de même intéressante à vérifier même si on y croyait même pas du tout. Nous nous sommes rendus à proximité, mis les bateaux à l’eau, pris avec nous le petit gars du coin, et en effet, après un kilomètre de descente, tout d’un coup, nous sommes arrivés devant un proche énorme avec des stalactites gigantesques et là effectivement la rivière filait dedans assez vite. Nous nous sommes arrêtés sur le bord juste avant (parce qu’une fois que tu es dedans tu ne peux pas ressortir). Il nous ont expliqué que ça ressortait à peu près 2 km plus loin, nous avons tenté d’aller voir, en grimpant sur le bord, on a fait de magnifiques photos. C’est hyper impressionnant car c’est un gros débit qui entre dans cette cavité, nous ne sommes pas allés très loin car très vite il fait très sombre et nos petites frontales ne suffisaient plus. Il y a des milliers de chauve-souris, c’est fabuleux. Nous avons du faire à peu près 200 m dans la cavité et ensuite ça ne passait plus, il est certainement possible de poursuivre avec un peu de matériel : des bateaux, des tyroliennes et des mains courantes mais là, sans matériel, c’était beaucoup trop risqué.
Après cette découverte, il nous a fallu négocier longuement (un peu comme dans le Makay) pour pouvoir accéder à la zone de propriété privée avec les voitures, ce fût complexe, ils demandaient des prix prohibitifs, les discussions se sont éternisées. Nous avons finalement trouvé un moyen original d’aller dans la vallée qui nous intéressait et cette fois ce fût en mobylette, chacun derrière un pilote avec toutes nos affaires dans le dos.
Après voir quitté les rivages de la Lindu, nous avons fait quelques kilomètres et on a été complètement sous le choc, juste avant de s’arrêter sur le bord de la Matarombéo river, le choc de voir que toute la vallée (notre zone d’approche) était effectivement déjà ouverte comme ce que nous indiquait les images de Google Earth, sans savoir exactement, nous penchions pour une sorte de savane ou des marécages, il n’en n’est rien, ce sont ici des plantations de palmiers, 14 000 hectares au total. C’est triste, très triste, de voir toute la forêt primaire sur les flancs et le fond de la vallée ravagé, brulé…
Nous sommes arrivés pas très loin du village de Lalomerui, et nous nous sommes arrêtés au bord de la rivière Matarombéo et on a chargé nos petits Alpakarafts… »
Communication coupée, suite au prochain épisode…